SPF-PL:El Decreto descifrado

Le décret sur les SPF-PL, ou sociétés holdings, a paru au Journal officiel,le 6 juin. S’il ne bouleverse pas la donne, il permet aux adjoints d’entrer dans le capital, mais ferme la porte aux pharmaciens non exerçants majoritaires en capital. Et aux capitaux extérieurs à la profession.

 

C’était devenu un serpent de mer. Le décret sur les SPF-PL (sociétés de participations financières de professions libérales) des pharmaciens d’officine a enfin vu le jour. « Il permet à plusieurs officines d’être en relation entre elles par des participations, tout en préservant la nécessaire indépendance des pharmaciens exerçants. Il permet également aux pharmaciens adjoints d’entrer dans le capital de la SPF-PL tout en restant salariés », a déclaré Isabelle Adenot. Le résultat sera-t-il à la hauteur des attentes ? « Le décret n’introduit pas une révolution. Il est très prudent et traditionnel », commente Olivier Deletoille, expert-comptable au cabinet AdequA. Le décret n° 2013-466 du 4 juin 2013, publié dans le Journal officiel du 6 juin et entré en vigueur le lendemain, présente l’avantage de fixer des règles, et surtout d’éviter le pire. « Depuis le 29 septembre 2012, les pharmaciens peuvent constituer des holdings. Mais c’était la jungle car, en l’absence de décret, le nombre de participations détenues par les holdings n’avait pas été fixé. Par conséquent, certains pharmaciens pouvaient constituer de vraies chaînes »,ajoute l’expert-comptable

Des SPF-PL enfin officialisées

 

La loi du 31 décembre 1990, portant création des SEL, avait entériné l’existence des SPF-PL pour toutes les professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire. Toutefois, « des décrets en conseil d’État, propres à chaque profession, pourraient interdire la détention, directe ou indirecte, de parts ou d’actions […] à des catégories de personnes physiques ou morales déterminées… », pouvait-on lire dans l’article 31-1 de cette loi. C’est donc chose faite avec ce décret, qui « permet aux personnes physiques ou morales exerçant la pharmacie de constituer des SPF-PL dont l’objet est la détention de parts ou d’actions de société d’exercice libéral (SEL) », indique une notice contenue dans le décret. Il officialise donc les holdings de pharmacies, dont la création est possible depuis le 29 septembre 2012. « C’est l’outil idéal pour s’installer car, avec le montage financier de la SPF-PL, la quasi-totalité des dividendes des pharmacies installées en SEL remontent à la holding en étant exonérés d’impôt. Cela va certainement contribuer à fluidifier les transactions »,explique Jean-Yves Tanniou, avocat associé du département Droit des sociétés chez Fidal.

Des modalités d’inscription définies

La SPF-PL devra, bien entendu, être inscrite au tableau de l’Ordre des pharmaciens. C’est même une condition suspensive pour sa création. D’ailleurs, sa radiation au tableau de l’Ordre entraîne de factosa dissolution. Pour cela, un mandataire commun, désigné par les associés de la future holding, devra adresser sa demande au président du Conseil de l’Ordre de la région dans laquelle le pharmacien veut exercer ou dans laquelle est situé le siège de la société. Le dossier devra comporter :

• un exemplaire des statuts de la société ;

• un récépissé du dépôt au greffe du registre du commerce et des sociétés afin d’apporter la preuve de la demande d’immatriculation de la holding ;

• la liste des associés. Il faudra préciser dans quelle société (SEL) chacun est associé et quelle est la part de capital qu’il détient dans la SPF-PL ;

• une convention sur le fonctionnement de la holding ;

• une note d’information qui désigne les SEL dont des parts ou actions sont détenues par la future SPF-PL, ainsi que la répartition du capital de la holding dans ses sociétés « filles ».

Le greffe du registre du commerce et des sociétés pourra procéder à l’immatriculation de la holding lorsque le mandataire lui aura envoyé une copie de la demande d’inscription à l’Ordre. Le greffier en informe alors le président du Conseil régional de l’Ordre et le directeur de l’agence régionale de santé. Ensuite, le Conseil régional de l’Ordre devra statuer sur cette demande d’inscription. S’il refuse, il devra motiver sa décision.

Un nombre de participations limitées

Le décret encadre le montage financier des SPF-PL et des SEL selon trois seuils.

• Un pharmacien ne peut détenir des participations, directes ou indirectes, que dans quatre SEL, en plus de celle dans laquelle il a engagé son diplôme.

• Une SEL ne peut détenir des participations directes ou indirectes que dans quatre SEL de pharmaciens d’officine.

• Une SPF-PL ne peut, quant à elle, détenir des participations que dans trois SEL.

« En limitant le nombre de participations, le décret veut stopper les schémas des pharmacies en cascade », note Dominique Leroy, expert-comptable au cabinet Normeco. Attention : le décret évoque des « participations directes et indirectes », y compris pour le pharmacien ! Celui-ci peut alors détenir des participations dans les SEL, filiales de la holding, mais aussi dans les participations que chaque SEL détient. « Le risque est de dépasser le seuil des quatre participations requises, en plus de sa pharmacie », indique-t-il. L’expert-comptable met en garde contre un autre écueil : « le choix de l’intégration fiscale ne vaudra que dans le cas d’un seul titulaire exploitant. »Imaginons, par exemple, un groupe de trois pharmaciens qui souhaitent racheter une grosse officine. Chacun devra prendre 5 % du capital de la SEL pour être co-titulaire. « Or, pour bénéficier de l’intégration fiscale, il faut que la holding détienne 95 % de la SEL ».

L’article 5.1 supprimé

L’article 5.1 de la loi du 31 décembre 1990– objet de controverses au sein de la profession – est supprimé dans le décret. Pour rappel, cet article permettait à des « personnes physiques ou morales exerçant la même profession », dans ce cas précis des pharmaciens dits « investisseurs », d’être majoritaires dans le capital (mais jamais en droits de vote) d’une SEL d’officine dans laquelle un autre pharmacien est titulaire. Or, avant la parution du décret, cette disposition était applicable aux officines par le biais du statut de la SELAS. « À ce jour, il doit exister environ 300 à 400 SELAS. Leur capital peut être détenu, en majorité, par un pharmacien investisseur. En ce sens, le décret est un retour en arrière »,commente Olivier Deletoille. Pour cet expert-comptable, sans l’article 5.1, les perspectives de regroupement et d’installation de jeunes pharmaciens seront plus limitées. « Le schéma par lequel un jeune pharmacien pouvait devenir titulaire grâce à l’apport d’un pharmacien investisseur, majoritaire en capital, n’est plus possible »,constate-t-il. Les SELAS devront donc se mettre dans les clous. Jean-Yves Tanniou conseille, pour cela, deux montages financiers : « le pharmacien titulaire peut créer une SPF-PL pour racheter les parts excédentaires de l’investisseur. Une deuxième solution consiste, pour la SEL, à racheter ses propres actions afin de réduire le capital. Dans les deux cas, il faut faire valoriser l’entreprise par un expert. »Ce nouveau montage, qui conduira le titulaire à souscrire à un nouvel emprunt, induit un endettement supplémentaire pas vraiment prévu. « Si l’investisseur refuse de rester minoritaire et veut se retirer de l’affaire, le titulaire sera confronté à des problèmes de financements »,met en garde l’avocat. Mais la SELAS sera dans les clous si l’investisseur garde jusqu’à 49,9 % du capital ou « que les exploitants de cette société, ensemble, soient majoritaires en capital », précise Olivier Deletoille.

Un capital pour titulaires et adjoints

Le capital des SPF-PL est réservé aux :

• pharmaciens titulaires ;

• pharmaciens adjoints exerçant en officine (ils peuvent investir hors de leur lieu d’exercice) ;

• SEL de pharmaciens d’officine ;

• anciens pharmaciens qui ont exercé au sein de ces SEL, dix ans après avoir cessé toute activité professionnelle, ainsi qu’à leurs ayants droit cinq ans après leur décès.

Les adjoints peuvent donc participer au capital de la holding. En ce sens, le décret leur permet de bénéficier du double statut de salarié de la SEL et d’associé de la SPF-PL. « Le titulaire, pour fidéliser un adjoint, pourra lui proposer d’être associé de la holding. Il pourra investir une petite somme, comme 2000 à 3000 euros, pour prendre 20 % du capital, et sera ainsi, indirectement, propriétaire de la SEL », explique Jean-Yves Tanniou.

Par ailleurs, le décret établit que « la détention d’une part ou action du capital social d’une SPF-PL de pharmacies d’officine est interdite à toute personne physique ou morale exerçant ou ayant exercé une autre profession de santé. »En clair, la SPF-PL n’est pas une société interprofessionnelle car il faut éviter les conflits d’intérêts et les risques de compérage. En outre, le décret confirme bien que la majorité du capital social et des droits de vote de la SEL est détenue par des pharmaciens exerçants.

Une société contrôlée

La SPF-PL sera contrôlée tous les quatre ans par le Conseil régional de l’Ordre dont elle dépend. Elle doit, en outre, faire connaître tout changement au directeur de l’ARS ainsi qu’au Conseil régional de l’Ordre. Si elle ne se conforme pas stricto sensu au décret – par exemple en dépassant le nombre de participations autorisées – elle sera mise en demeure de rectifier le tir par le Conseil régional de l’Ordre. Si elle ne le fait pas, une mesure de radiation peut être prise.

Deux ans pour être dans les clous

Les holdings et les SEL déjà constituées ont deux ans pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles. Au terme de ce délai, la SPF-PL peut décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts ou actions des associés, qui n’ont pas encore cédé leurs parts, et de racheter ces derniers à un prix fixé. À défaut, la dissolution de la société peut être demandée en justice. Dans ce cas, le tribunal accordera un délai supplémentaire de six mois pour régulariser la situation.

REPÈRES

1990 La loi portant création des SEL permet à un pharmacien non exploitant de participer au capital d’une autre officine, de manière minoritaire.

2001 La loi dite Murcefcrée les SPF-PL. Elle permet aussi aux pharmaciens non exploitants de détenir la majorité du capital d’une SEL.

2009 La Cour de justice de l’Union européenne confirme que la propriété et l’exploitation d’une pharmacie peuvent être réservées aux seuls pharmaciens d’officine.

2012 Un arrêt du conseil d’État du 28 mars 2012autorise la mise en œuvre des SPF-PL, imposant au gouvernement de sortir un décret dans les six mois. Dès le 29 septembre 2012, en l’absence de décret, la création de holdings est possible.

2013 Le décret relatif aux SPF-PL, publié au Journal officieldu 6 juin, ouvre le capital des holdings aux adjoints, limite le nombre de participations et interdit à des non exerçants d’être majoritaires en capital

3 QUESTIONS À JÉRÔME PARESYS-BARBIER, PRÉSIDENT DE LA SECTION D DE L’ORDRE DES PHARMACIENS

« Avec ce décret, les adjoints ont maintenant une voix qui compte »

Que pensez-vous du nouveau rôle que le décret confère aux pharmaciens adjoints ?

Nous vivons un moment historique, cela fait douze ans que j’attends cela. La holding va être la pièce maîtresse qui va permettre la transmission d’officine. Un adjoint, qui n’est pas en capacité financière d’être titulaire du jour au lendemain, pourra rentrer dans le capital de la holding peu à peu. C’est une nouvelle opportunité de carrière. Beaucoup d’adjoints attendent ce tournant.

Cette mesure ne risque-t-elle pas de bouleverser les relations hiérarchiques entre titulaire et adjoint ?

Elle va changer le mode de fonctionnement entre les personnes, c’est certain. Dans la SEL, l’adjoint sera un salarié. Dans la holding, il deviendra un pharmacien libéral associé. Chez les adjoints, cette dualité va contribuer à créer un nouvel état d’esprit entrepreunarial. Ils ont maintenant une voix qui compte et ils n’hésiteront plus à prendre des risques financiers pour faire avancer un projet.

Qu’avez-vous envie de dire aux pharmaciens adjoints suite à la parution de ce décret ?

Il faut leur expliquer que cette possibilité d’entrer dans le capital de la holding est un vrai défi. Ceux qui veulent s’investir pourront le relever. Le modèle traditionnel va changer.

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